(ESPACE) Oumuamua, les spéculations scientifiques nous donnent de multiples explications

19 Mars 2021 – Le mystérieux objet en forme de crêpe surnommé « Oumuamua » (ndlr : messager lointain en Hawaïen) a provoqué une controverse considérable  en début d’année avec la publication du nouveau livre à succès de l’astronome de Harvard Avi Loeb, qui envisage l’idée que l’objet pourrait être une pièce issue d’une technologie extraterrestre.

Depuis, d’autres astrophysiciens tentent de comprendre « Oumuamua ». Deux d’entre eux, travaillant à  l’Arizona State University (ASU) soutiennent que la singularité de l’objet se trouve dans ses propriétés inhabituelles dont de la glace d’azote solide. Les résultats de leurs recherches viennent d’être publiés dans deux nouveaux articles dans le Journal of Geophysical Research : Planets.

Pour rappel, c’est en 2017 que notre système solaire reçoit la visite de son tout premier visiteur interstellaire. Un objet bizarre fonçant dans l’espace à 44 kilomètres par seconde.

Depuis, les scientifiques s’interrogent sur l’origine et les caractéristiques inhabituelles de « Oumuamua ». Il a été découvert pour la première fois par le télescope Pan-STARRS1 de l’Université d’Hawaï, qui fait partie du programme d’observation d’objets géocroiseurs de la NASA pour suivre les astéroïdes et les comètes qui viennent à proximité de la Terre. D’autres télescopes à travers le monde sont rapidement entrés en action, mesurant les différentes caractéristiques de l’objet. La grande difficulté dans l’étude de l’objet réside dans le fait de son orbite hyperbolique ou orbite d’évasion qui laisse penser qu’il est peu probable qu’Oumuamua repasse par chez nous. Du coup, les astronomes n’ont eu qu’une brève fenêtre de temps pour rassembler autant de données que possible sur l’objet avant qu’il reprenne sa route vers l’espace lointain.

LES SINGULARITÉS DE L’OBJET

Ce qui a intrigué les astronomes, c’est sa vitesse. Pour commencer, loin de notre soleil            « Oumuamua » accélérait beaucoup plus rapidement que ne pouvait l’expliquer la seule gravité. L’objet se déplaçait avec un « effet fusée » causé généralement par la lumière du soleil qui fait s’évaporer la glace dont ces corps sont constitués, ce qui est courant dans les comètes.

Sauf que l’imagerie n’a montré aucune indication de libération de gaz et de poussière, comme c’est généralement le cas lorsqu’une comète s’approche du Soleil, alors même que son étrange orbite l’avait initialement classée comme une comète. Sa forme allongée à l’image d’un cigare, combinée à sa rotation relativement rapide, a conduit les astronautes à dire qu’il pourrait être un astéroïde. S’il reste toujours une énigme, Oumuamua a de nouveau suscité l’enthousiasme médiatique en octobre 2018, lorsqu’Avi Loeb et Shmuel Bialy ont soumis une prépublication publiée depuis dans l’Astrophysical Journal.

Comme cela fut souvent rapporté, à l’époque, une grande partie de leur analyse évoquait la possibilité d’une pression dû au rayonnement solaire ou du transfert de quantité de mouvement de photons frappant un objet. Celui-çi avancerait comme une voile solaire, une théorie intéressante pour la conquête spatiale et les déplacements des futurs vaisseaux terriens qui pourraient être dotés d’un tel système. Si la théorie est à envisager sérieusement, les deux chercheurs ont clôturé leur article avec un scénario plus exotique et hautement spéculatif, suggérant que l’objet pourrait en fait être « une sonde pleinement opérationnelle envoyée intentionnellement à proximité de la Terre par une civilisation extraterrestre ». Des propos qui soulevèrent une multitude de critiques et notamment de

l’astrophysicien Ethan Siegel, qui a écrit un contre-argument fortement formulé dans Forbes. Pour ce dernier, bien que les signatures spectrales de l’objet, sa couleur, sa réflectivité, sa taille, etc…, soient cohérentes avec une origine naturelle, Loeb ne propose malgré tout que des spéculations extraterrestres. Le chercheur va encore plus loin dans ses critiques en écrivant qu’il y a des centaines d’astronomes qui travaillent dans ce domaine, et que Loeb continue d’ignorer tout de leur travaux, de leurs données, et de leurs conclusions.

Pour le professeur d’astrophysique Steven Desch « tout le monde s’intéresse aux extraterrestres, et il était inévitable que ce premier objet venant d’en dehors du système solaire fasse penser aux extraterrestres ». Co-auteur des deux nouveaux articles, sur l’hypothèse Loeb, il rajoute « mais il est important en science de ne pas aller directement aux conclusions. Il a fallu deux ou trois ans pour trouver une explication naturelle, à savoir qu’ Oumuamua ne serait qu’un morceau de glace plein d’azote ». Ce n’est pas si long en science, et bientôt nous pourrons dire que nous avons épuisé toutes les explications naturelles ». L’an dernier, une équipe d’astronomes a publié un article suggérant que « Oumuamua pourrait être le fragment d’un autre corps parent plus grand comme une comète ou les débris d’une autre planète qui aurait explosé. Plus précisément, les astronomes ont montré que « les objets interstellaires de type Oumuamua » peuvent être produits par une vaste fragmentation lors de rencontres rapprochées avec leurs étoiles, et être éjectés dans l’espace interstellaire. Steven Desch et son co-auteur, l’astrophysicien de l’ASU Alan P. Jackson, suggèrent également qu’Oumuamua pourrait provenir d’un autre système solaire, et qu’il serait un fragment d’une exoplanète détruite par un impact il y a environ un demi-milliard d’années, le jetant hors de son système parental.

Les deux chercheurs suggèrent que l’exoplanète en question aurait eu probablement des caractéristiques similaires à celles de Pluton ou de Triton, la lune de Neptune, recouverte de glace azotée comme le serait « Oumuamua ».

Composé, pour les deux scientifiques, de glace à l’azote solide, cela pourrait expliquer la forte poussée de l’objet alors même qu’il est loin du Soleil. Pour en arriver à ces conclusions, ils ont calculé la valeur de la réflexion du corps pour tenir compte de cette forte poussée et de la rapidité avec laquelle divers types de glace se sublimeraient. L’azote solide correspondrait exactement à leurs calculs. « Oumuamua » étant fait d’azote congelé, cela expliquerait également sa forme aplatie inhabituelle.

« Au fur et à mesure que les couches externes d’azote s’évaporaient, la forme du corps serait devenue progressivement plus aplatie, tout comme le fait un pain de savon lorsque les couches externes s’effacent a force de son utilisation » a déclaré Alan P. Jackson .

Sans savoir véritablement qu’elle théorie l’emportera au final, l’étude d’Oumuamua a fourni de nouvelles informations très utiles sur les systèmes planétaires en dehors de notre propre système solaire. S.Desch et A.P Jackson, espèrent que de tels objets interstellaires seront découverts à mesure qu’une nouvelle génération de télescopes sera mise en service, notamment celui de l’observatoire Vera Rubin.

Grand télescope d’étude synoptique au Chili « On espère que dans une dizaine d’années, nous pourrons acquérir des statistiques sur les types d’objets qui traversent le système solaire, et si les morceaux de glace azotée sont rares ou aussi courants que nous l’avons calculé», a déclaré Alan P. Jackson. « Dans tous les cas, nous devrions pouvoir en apprendre d’avantage sur les autres systèmes solaires et savoir s’ils ont subi les mêmes types d’histoires de collision que les nôtres ».

Bob Bellanca (rédaction btlv.fr)

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