ÎLE DE BEAUTÉ : la Corse redevient une terre d’agrumes de premier plan (btlv.fr/source AFP)

21 mars 2018 : “La sexualité des agrumes, c’est très spécial!” Yann Froelicher, biologiste de l’Inra, parle avec passion des centaines de citronniers, arbres à kumquat et autres bergamotiers autour de lui, qui constituent l’une des plus belles collections du monde à San Giuliano, en Haute-Corse.

Aux premiers jours du printemps, la saison des clémentines, le fruit fétiche de l’île de Beauté, vient de s’éteindre. Mais pas l’activité des chercheurs du centre de l’Institut national de recherche agronomique spécialisé dans les agrumes, implanté sur l’île, qui a ouvert ses portes cette semaine à la presse. Leur objectif c’est d’abord de mieux connaître l’origine de ces fruits à quartiers apparus en Asie il y a six à huit millions d’années, leur génétique, leur évolution, mais aussi leur sauvegarde et leur développement. Grâce à un projet “d’innovation participative” avec les agriculteurs agrumicoles de l’île, ils souhaitent aussi trouver le fruit du futur. Celui qui s’adaptera à la terre, au climat de Corse, et au goût des consommateurs. Sous l’impulsion de la recherche publique, la production de clémentines corses, qui avait périclité sous l’effet de la concurrence espagnole et touché le fond au début des années 2000 (1.200 hectares plantés contre 3.000 dans les années 1980), est d’ailleurs en train de repartir.

UNE ÉTUDE INTERNATIONALE DANS LA REVUE NATURE

Aujourd’hui, 1.450 hectares sont plantés. Cet hiver, l’île a produit 28.000 tonnes de clémentines contre 24.000 l’hiver précédent. Côté recherche, les chercheurs de San Giuliano ont participé, début février à une étude internationale dans la revue Nature, qui révolutionne les classifications botaniques des agrumes en mettant en évidence un nouveau “modèle évolutif” de ce genre d’espèces. “Aujourd’hui, on peut dire que toutes les variétés d’agrumes cultivées dans le monde sont issues de croisements naturels entre seulement quatre espèces ancestrales: la mandarine, le pamplemousse, le cédrat, et une autre variété appelée papéda”, résume François Luro, généticien. Mais croisez une fleur de pamplemoussier avec le pollen d’une fleur de clémentinier, et vous cueillerez quelques années plus tard quasiment autant de fruits différents que de pépins obtenus. Sur une table, M. Luro a disposé une soixantaine de petits tas bien alignés, la descendance de ces deux fruits croisés par ses soins: de minuscules fruits jaunes, des gros boursouflés, certains orange vifs, de gros pomelos jaunes à chair rosée.”Un peu comme chez les humains, aucun croisement n’est identique”, note-t-il, “il est pratiquement impossible de maintenir un type de fruit, dès lors qu’on passe par le croisement sexué” chez les agrumes. Du coup, pour cultiver, il faut passer par le clonage, afin d’être sûr de récolter toujours le même fruit. Et pour préserver quand même la biodiversité variétale, les chercheurs bichonnent en Corse une collection d’agrumes parmi les plus belles du monde, qui compte plus de 800 variétés différentes.

LES AGRICULTEURS MÈNENT DES EXPÉRIMENTATIONS

La visite donne la sensation de traverser une sorte de paradis terrestre, un immense verger où des orangers voisinent avec des citronniers, des cédrats. Un pamplemoussier a laissé tomber ses fruits. On en voit de toutes les tailles, toutes les couleurs faire ployer les branches. Les expérimentations autour d’un nouvel agrume corse sont menées en plein champs, par les agriculteurs de l’île eux-mêmes. Yann Froelicher, qui développe le programme d’innovation variétale Innov’agrumes, a d’abord “obtenu” une variété qui pourrait plaire. “Le premier critère de choix pour nous a été celui du goût”, explique Vincent Mercadal, qui dirige un des groupements de producteurs de l’île. “Ce qu’on cherche, c’est une variété endémique, un produit identitaire pour la Corse” qui nous permettrait de rallonger la saison des clémentines qui se termine en janvier. Les agrumiculteurs aimeraient aussi pouvoir produire un citron vert corse, “pour les touristes l’été”. “Mais il faut que cela reste un marché de niche”, avertit M. Mercadal. Car la clémentine corse reste chère par rapport à sa cousine produite en masse en Espagne et en Italie. “Le handicap du transport par la mer”, expliquent les producteurs. Et aussi des exigences de production imposées par le cahier des charges de l’indication géographique protégée (IGP) interdisant par exemple tout stockage. La clémentine corse doit être mangée fraîche, contrairement aux fruits venant d’Espagne qui passent par des chambres de stockage et des murissoirs à éthylène.

Isabel Malsang (btlv.fr/source AFP)

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