LA NASA VISITE UNE ÎLE NÉE IL Y A 4 ANS : un petit bout de Mars ?

18 février 2019 — La NASA étudie la Terre, mais que peut-elle bien faire sur une île perdue dans l’océan Pacifique sud ? Étudier la Terre… et Mars, bien sûr ! Sortie de l’eau il y a seulement quatre ans, Hunga Tonga-HungaHa’apai est peut-être en effet un petit bout de la Planète rouge, quelques milliards d’années dans le passé. Dan Slayback, du NASA Goddard Space Flight Center, a exploré cette île en octobre 2018. Il nous fait part de sa première découverte.

La nature malmène Hunga Tonga-HungaHa’apai, de son petit nom HTHH, depuis sa plus tendre enfance. Cette petite île a pointé le bout de son nez en janvier 2015 suite à l’éruption d’un volcan sous-marin dans l’archipel des Tonga. HTHH n’est que la troisième île de type surtseyenne en 150 ans à survivre au-delà de quelques mois — du nom d’une île volcanique née au large de l’Islande en 1963. Ce n’était pas gagné, car durant ses premiers six mois d’existence, les vagues ont eu raison du côté sud de son cône volcanique, puis ont entassé les sédiments à l’est pour former l’isthme qui la relie aujourd’hui à sa voisine, Hunga Tonga. À l’époque, Dan Slayback et Jim Garvin du NASA Goddard Space Flight Center, qui observent HTHH depuis sa naissance grâce aux satellites, ont bien cru qu’elle disparaîtrait d’ici fin 2015. Mais l’érosion a ralenti et se poursuit depuis à un rythme plus modéré.

En 2017, Dan Slayback et Jim Garvin estimaient que HTHH pourrait persister encore 6 à 30 ans. Cette prédiction tient-elle toujours après les observations faites sur le terrain ? « C’est la grande question », approuve Dan Slayback, qui s’est rendu sur l’île en octobre 2018 dans le cadre d’une expédition de la Sea Education Association (SEA).

Dan Slayback avait deux grands objectifs en tête. Le premier était d’effectuer des relevés de position et d’altitude pour calibrer les satellites, afin d’augmenter la précision du modèle numérique de l’île. Celui-ci permettra de calculer le volume de HTHH et de suivre son évolution au cours du temps. Son second objectif était de « chercher des signes de palagonitisation », car ce « processus hydrochimique entraînant la solidification des cendres en un matériau plus dur » apporterait un éclairage sur la longévité actuelle et future de l’île face à l’érosion.

Au cours de leur visite sur HTHH, Dan Slayback et ses collègues ont trouvé et prélevé par endroit de petites roches jaunâtres, de quelques centimètres, qui semblent être des palagonites. « Nous n’avons pas encore fait les analyses nécessaires pour confirmer leur composition chimique », nous précise-t-il. Ce sont à l’heure actuelle des traces minimes de palagonitisation. Mais si ce processus « a eu lieu massivement, la couche de palagonites est probablement toujours enterrée sous une bonne couche de cendres et pourrait être exposée avec le temps, comme cela s’est produit à Surtsey », indique Dan Slayback.

C’est une des raisons pour lesquelles il s’efforce de développer un modèle 3D de HTHH et d’en calculer son volume, ainsi que la quantité de cendres et de roches volcaniques expulsées lors de l’éruption. Il peut désormais préciser les données des satellites avec les 150 points de contrôle relevés sur l’île à l’aide des étudiants de la SEA, membres de l’expédition, et avec les observations du drone. « La cartographie par drone était très utile », affirme Dan Slayback. Elle est plus détaillée que les satellites, car elle est plus proche du sol et prend des images sous plusieurs angles.

Il fallait s’y attendre : les pensées de la NASA ne s’éloignent jamais vraiment de Mars. HTHH, qui affronte les éléments au beau milieu du Pacifique, et qui pourrait reposer sur un lit de palagonites, est peut-être une fenêtre ouverte sur le passé de la Planète rouge. « Les sondes de la NASA ont observé des cônes volcaniques de taille comparable, d’un ou deux kilomètres de diamètre, figés dans le temps à des stades d’érosion similaires. »

Cela suggère que la géologie martienne, à l’époque où le volcanisme était encore actif, ressemblait à celle de la Terre et que « ces volcans étaient probablement entourés d’eau ». Peut-être étaient-ils sous-marins ou bien l’eau est arrivée plus tard. En tout cas, ces mers et ces océans auraient engendré une érosion similaire sur les cônes volcaniques martiens.

Il y a des indices de la présence de palagonites sur Mars, mais cela reste « encore controversé », ajoute Dan Slayback. « Comme la palagonitisation n’est pas rare sur Terre, il y a de grandes chances qu’elle se produise également sur Mars puisque les processus géologiques semblent y être similaires. Ce serait excitant qu’une mission martienne aille voir sur ces sites. » A priori, cela ne figure pour l’instant pas au programme de la NASA.

À défaut, Dan Slayback et ses collègues peuvent aiguiser leurs connaissances de Mars sur Terre à travers HTHH. « Nous continuons de suivre son évolution depuis l’espace. Nous réussissons tous les deux mois environ », au gré du passage des satellites et de la couverture nuageuse. « Nous aimerions y retourner, peut-être l’année prochaine », confie-t-il à Futura, déplorant la brièveté de son premier séjour sur l’île, du 8 au 10 octobre 2018.

« Ce serait intéressant de refaire de la cartographie par drone, de surveiller la végétation et de chercher plus de signes de palagonitisation. » En outre, les relevés bathymétriques prévus durant le voyage n’ont pas pu être réalisés à cause du mauvais temps. Ils étaient importants pour déterminer la topographie du fond marin autour de HTHH et par conséquent pour calculer son volume.

Aussi passionnante qu’elle fût, cette expédition sur Hunga Tonga-HungaHa’apai n’est pas une invitation à y faire du tourisme, insiste pour conclure Dan Slayback auprès de Futura et du grand public. « On ne peut pas la visiter sans l’autorisation du gouvernement tongolais. Ils ne veulent pas que l’île soit endommagée. » Souvenons-nous en effet des détritus plastiques qui jonchaient déjà ce petit morceau de terre d’à peine quelques années, censé être vierge, à l’arrivée des scientifiques et des étudiants (voir article ci-dessous). « Et ce n’est probablement pas très sûr », ajoute le chercheur de la NASA, car l’île a un relief encore instable, en constante évolution.

Henri Coron  (btlv.fr/ source ses.edu)

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