EN PLEINE FORÊT OU EN VILLE : la vogue du “néo-chamanisme”

23 septembre 2018 : Surfant sur la mode du développement personnel, le chamanisme suscite un engouement croissant en France même s’il fait parfois craindre des dérives sectaires.

“Je suis la lumière de ma vie”: en forêt de Fontainebleau, à une heure de Paris, une quinzaine de personnes répètent en choeur les incantations de leur “maître-chamane” Max Tovar. Yeux clos, allongées entre les arbres avec pour seul fond sonore les indications hypnotiques de leur guide, la quinzaine de personnes en tenue de yoga est venue s’initier au chamanisme – pratique centrée sur la méditation et la communion avec la nature et des “divinités” – et “trouver l’harmonie”.

“Je veux découvrir les éléments qui permettent de mieux se comprendre, savoir ce qu’on peut faire pour changer”, témoigne Lola, 33 ans, venue de Normandie. “C’est le début d’un travail sur moi.” Hochet et bâton d’encens fumant en main, la chamane brésilienne passe au-dessus des participants pour les faire entrer dans le “monde des rêves” et “expulser les mauvaises énergies”. “C’est très important de pratiquer dans la nature car toutes les énergies de la terre, des arbres, du vent ont une fréquence qui permet aux gens de recharger leurs batteries”, explique Max Tovar.

Plantes en décoction, huttes de sudation, tambours… Les cérémonies peuvent prendre différentes formes et associer des substances psychotropes comme l’ayahuasca, breuvage à base de lianes consommé par les chamanes d’Amazonie qui favorise la transe mais reste illégal en France. Certains n’hésitent toutefois pas à traverser l’Atlantique pour en consommer malgré les risques. En 2011, une Française est décédée après avoir bu de l’ayahuasca au Pérou.

“COMME UN RESET”

Au terme du rituel à Fontainebleau, les participantes sont conquises. “C’est comme un reset, ça m’a fait beaucoup de bien”, témoigne l’une d’elles. Très en vogue, ce “néo-chamanisme” est davantage centré sur l’individu que sur le groupe. “Il ne s’agit plus d’une relation à la communauté comme le concevaient les chamanes sibériens”, explique Jean-François Dortier, sociologue et directeur du magazine Sciences humaines. “C’est une récupération de cette religion que l’on dit primitive, sous une forme plus personnelle de quête de soi” et à laquelle “chacun donne un sens particulier.”

Certains envisagent même le chamanisme comme une thérapie contre la dépression et le burn-out. C’est le cas de Doris, une chamane “d’origine amérindienne”, qui a installé sa “salle de soins” dans son appartement familial, dans une grande tour HLM de Paris.  “Je suis une chamane spirituelle qui accompagne les personnes dans leurs blocages, leurs traumatismes”, explique-t-elle. “Les gens à Paris sont dépressifs, donc on va agir sur le corps émotionnel.”

C’est toute vêtue de blanc qu’elle reçoit, ce jour-là, quatre “stagiaires” dans une petite pièce de son appartement, pour participer à un cercle de tambours et “communiquer avec les esprits”. Assis en tailleur, visages masqués, ils se laissent guider par l’odeur de la sauge blanche, le rythme du tambour et les chants amérindiens de Doris. “J’ai besoin de Doris pour continuer, me remettre dans l’axe. C’est mon guide”, confie Michèle, 49 ans, initiée au chamanisme après une dépression.

“Ce n’est pas dans notre culture occidentale d’expliquer ces choses-là”, témoigne de son côté Eve (prénom modifié), 29 ans, qui a également connu une dépression. “On met ça tout de suite dans la case Xanax, psychiatre, repose toi et pour beaucoup on va pas plus loin.”

Mais les chamanes peuvent-ils sans risques se substituer aux psychologues? “Certains profitent de l’emprise qu’ils peuvent prendre sur des disciples” notamment “chez les personnes atteintes de troubles psychiatriques”, alerte le président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), Serge Blisko.  “Au même titre qu’on proposait la psychanalyse ou la psychothérapie on propose d’autres approches et là c’est une grosse préoccupation”, précise-t-il.

Le chamanisme, mouvement hétéroclite, n’est pas référencé comme “organisation sectaire” mais la Miviludes fait état de signalements inquiétants dans son dernier rapport: 27 demandes ont été adressées en 2017, et 8 au premier semestre 2018. Le chamanisme renvoie à des pratiques très diverses où “le meilleur côtoie le plus mauvais”, affirme M. Blisko.

Aglaé Watrin (source AFP) 

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