De nombreuses personnes connaissent le phénomène du « missing time » ou « temps manquant » : vous êtes en train de lire, de conduire, de regarder la TV quand soudain, vous réalisez que vous ne pensiez à rien du tout. Votre esprit, semble-t-il, s’est tout simplement vidé.
Les hypnothérapeutes appellent cela l’autohypnose. La question est de savoir ce qu’est vraiment ce « vidage mental » exactement. Un nouvel article, récemment publié par une équipe multidisciplinaire de neuroscientifiques, dans Trends in Cognitive Sciences , apporte des réponses à cette question. Il aura fallu pas moins de 80 études pour arriver à définir ce qu’ils appellent le « mind blanking » (ndlr : terme scientifique du « missing time »).
Dans un communiqué, Jennifer Windt, co-auteure de l’étude à l’Université Monash a déclaré : « L’expérience du “vide mental” est aussi intime et directe que celle de la rétention de pensées…notre objectif est d’engager le dialogue et d’analyser le lien entre le “vidage mental” et d’autres expériences apparemment similaires, comme la méditation. »
Contrairement au « vagabondage mental », où nous passons d’une pensée à l’autre, le « vidage mental » est une pause plus complète de la conscience.
LE REPOS DU CERVEAU
Les chercheurs responsables de cette étude, avancent l’idée selon laquelle il s’agit d’un phénomène distinct et significatif qui permet à notre cerveau de se reposer. Ce qui remet en question l’idée reçue selon laquelle nous pensons en permanence. Lors de l’étude, les scientifiques ont pu comprendre ce qui se passe lorsque l’esprit est en phase de « vidage mental ».
A l’aide de l’électroencéphalographie et l’IRM, ils ont pu observer le cerveau en temps réel. Au moment de ces phases de repos, qui arrivent très souvent après des périodes de concentration intense ou de manque de sommeil, notre fonction cérébrale ressemble à de la somnolence ou même à de brefs moments de « sommeil » local.

En état de « vidage mental », notre rythme cardiaque ralentit, nos pupilles se contractent et notre cerveau présente une complexité réduite des signaux, un signe souvent associé à une perte de connaissance. Les scientifiques ont également constaté des perturbations du traitement sensoriel et l’apparition d’ondes cérébrales lentes, comparables à celles du sommeil.
« Nous décrivons ces états comme des « épisodes de sommeil locaux », ont écrit les auteurs : « des parties du cerveau s’assoupissent même lorsqu’une personne reste éveillée. »
A d’autres moments, le « vidage mental » était dû à une réflexion rapide qui submergeait temporairement le cerveau. L’équipe a observé une désactivation de régions liées à la parole, à la mémoire et au contrôle volontaire.
5 À 20% DE NOTRE JOURNÉE SE PASSE EN ÉTAT MODIFIÉ DE CONSCIENCE
Parmi les conclusions de l’étude, l’une des plus surprenantes est la fréquence des états de vide mental. Il semble que ressentions des états de vide mental environ 5 à 20 % du temps, notamment lors de tâches exigeant une attention prolongée ou après un effort physique ou mental intense.
Les auteurs suggèrent que le vide mental ne constitue pas une expérience unique, mais un ensemble d’états connexes, provoqués par des variations de l’éveil, du degré de vigilance ou de somnolence cérébrale. Pour les chercheurs cette étude constitue une connaissance plus approfondie des différentes phases de notre conscience.
« Nous pensons que l’étude sur le ‘vidage mental’ est pertinente, importante et opportune », a déclaré l’auteur principal, Thomas Andrillon. « Intéressante car elle remet en question l’idée reçue selon laquelle l’état de veille implique un flux constant de pensées. Importante car le ‘vidage mental’ met en évidence les différences interindividuelles en matière d’expérience subjective. »

Cette étude démontre que le « vidage mental » doit être pris au sérieux et non pas comme un manque d’attention, mais comme une partie naturelle et dynamique de l’expérience consciente.
« Collectivement », écrivent-ils, « nous soulignons que les expériences en cours se déclinent en nuances, avec des degrés variables de conscience et de richesse de contenu. » Pour ne rien manquer de l’actualité liée à la conscience, inscrivez-vous à la newsletter btlv.
Bob Bellanca (rédaction btlv source Trends in cognitive science – photo home )