17 février 2023 – De nombreuses entreprises travaillent sur le développement de la technologie des implants cérébraux. Cette course au progrès est à double tranchant. En effet, bien que le but soit d’avant tout guérir ou améliorer le quotidien, nous manquons de recul afin de correctement évaluer les risques d’une telle technologie sur le corps humain.
En décembre dernier, Elon Musk avait annoncé que sa startup neurotechnologique, Neuralink, prévoyait de lancer les essais sur les humains dans les prochains six mois. Créée en 2016, cette compagnie cherche à comprendre comment traduire les signaux cérébraux en sorties numériques.
UNE TECHNOLOGIE DÉJÀ UTILISÉE
Cette technologie, également appelée Brain Computer Interface (BCI) est déjà utilisée dans certains cas médicaux. En effet, près de 200 000 personnes dans le monde utilisent une forme d’implant cérébral. Le cas le plus connu étant probablement l’implant cochléaire, permettant aux personnes sourdes d’”entendre”.
Une autre forme consiste à prévenir les crises d’épilepsie : les appareils actuels surveillent l’activité cérébrale afin de prédire les crises et avertir la personne. Le patient peut ainsi soit éviter certaines activités ou prendre un médicament préventif.
Le développement de cette technologie n’intéresse pas seulement le milieu médical, mais aussi celui militaire, qui finance grandement les recherches dans ce domaine. Les innovations ont permis de rendre ces appareils moins invasifs et plus performants.
En novembre dernier, une startup appelée Science avait présenté un concept d’interface bioélectrique pour traiter la cécité. Et en septembre dernier, la Food and Drug Administration a autorisé Magnus Medical le développement d’une thérapie de stimulation cérébrale ciblée afin de traiter le trouble dépressif majeur.
TECHNOLOGIE ET CHANGEMENTS
Les BCI semblent être en bonne voie pour devenir réalité. Et même si pour le moment son usage purement médical ne semble pas montrer de contre indication, il est important de se demander si l’utilisation d’une telle technologie sera réellement sans conséquence sur le cerveau humain.
Anna Wexler, professeure adjointe de philosophie au Département d’éthique médicale et de politique de la santé de l’Université de Pennsylvanie, a interrogé des personnes atteintes de la maladie de Parkinson qui avait bénéficié d’un traitement chirurgical consistant à implanter des fins fils métalliques pour envoyer des impulsions électriques au cerveau. Dans ce cas de figure, “beaucoup ont estimé que la maladie les avait privés, à certains égards, de qui ils étaient” a-t-elle expliqué. “Cela a vraiment un impact sur votre identité, votre sens de vous-même, si vous ne pouvez pas faire les choses que vous pensez pouvoir faire”.
Deux chercheurs à l’Université de Washington, Eran Klein et Sara Goering, ont également remarqué un changement positif chez les personnes dépressives utilisant les BCI. Un patient avait d’ailleurs déclaré lors d’une étude réalisée il y a six ans “J’ai commencé à me demander ce qui est moi, et quelle est la dépression, et quel est le stimulateur”.
UNE TECHNOLOGIE SANS DANGER ?
Cependant, tous les changements ne sont pas forcément les bienvenus. Frederic Gilbert, professeur de philosophie à l’Université de Tasmanie, spécialisé en neuroéthique appliquée, s’est également intéressé au sujet. Après plusieurs entretiens avec des personnes ayant eu des BCI, il a pu noter certains effets étranges.
“Nous avons des cas où il est clair que les BCI ont induit des changements dans la personnalité ou l’expression de la sexualité”. Certains des patients de Gilbert avaient le sentiment de ne plus se reconnaître, d’avoir une sorte d’ ”éloignement” d’eux-mêmes. “Cela a conduit à des cas extrêmes où il y a eu des tentatives de suicide”.
D’autres personnes ont développé une sorte de dépendance à l’implant. Gilbert a par exemple parlé d’un patient qui ne pouvait plus prendre de décision sans demander à l’appareil ce qu’il se passait dans son cerveau. “ Il n’y a rien de mal à avoir un appareil qui exécute une décision” a déclaré le professeur, “mais à la fin, l’appareil supplante en quelque sorte la personne dans la décision, la mettant hors de la boucle”.
LES PIRATES DU CERVEAU
Autre problème peu abordé mais pas des moindres, celui de la confidentialité de vos ondes cérébrales. “Si vous obtenez un appareil pour vous aider à déplacer votre bras prothétique, par exemple, cet appareil captera d’autres sources de bruit que vous ne voudrez peut-être pas sortir de votre cerveau” a ajouté Gilbert.
“Il y a beaucoup de bruit de fond, et ce bruit de fond peut être déchiffré. Ce bruit est nécessairement converti, assis quelque part sur le nuage”. Si un hacker trouvait le moyen d’accéder à ces données, il aurait la possibilité de littéralement lire dans votre esprit.
Il est clair que de nombreux tests doivent encore être effectués avant de pouvoir démocratiser les BCI. Et bien que cette technologie améliore pour le moment la vie des personnes atteintes de maladie et de handicap, il est nécessaire d’assurer un usage sécurisé de ces appareils.
Noémie Perrin (rédaction btlv.fr Source Business Insider)