5 mars 2021 — 5 à 15 pourcents des français ont du mal à mettre un mot sur un ressenti. Ils éprouvent une difficulté à identifier à différencier et à exprimer leurs émotions et parfois celles d’autrui.
Ils souffrent d’alexithymie (ou « sans mots pour les émotions »), sorte d’anorexie des sentiments qui les handicapent dans leur vie sociale et intime.
Ce trait de personnalité est communément observé parmi les patients présentant des troubles du spectre autistique et des symptômes psychosomatiques. Mais comme tous les traits de personnalité, il est présent à des degrés divers d’un individu à l’autre et les symptômes sont en général assez peu remarquables pour un diagnostic mental à part entière.
COMMENT DÉTECTER L’ALEXITHYMIE ?
Il existe cependant des tests, comme le “Toronto Alexithymia Scale” qui permettent de déterminer dans quelle proportion ce trait est présent et s’il dépasse un certain seuil (score donné) pouvant qualifier la personne « d’alexithymique ».
Paradoxalement, ces personnes ressentent bien des émotions… Elles savent en général décrire dans le moindre détail les ressentis corporels qui les gênent : elles ont, par exemple, le cœur qui bat rapidement, la cage thoracique oppressée, l’estomac noué…En revanche, elles peinent à faire le lien entre leurs sensations corporelles et l’émotion traduite par leur corps. Elles n’arrivent pas à se la représenter mentalement, à traduire ces sensations internes en langage verbal, à nommer la peur panique, par exemple, qui les assaille, à parler et à communiquer sur cette émotion qui les a souvent dévastés physiquement.
L’alexithymie est, ainsi parfois décrite comme une « cécité émotionnelle ». Tout comme le monde continue d’exister hors de la vision d’une personne aveugle, les émotions sont bien présentes mais « inaccessibles à la mentalisation et à la description ».
D’après Olivier Luminet, – Directeur de recherche au Fonds belge de la recherche scientifique (FRS-FNRS), professeur à l’université de Louvain et à l’université libre de Bruxelles, dans son ouvrage « Comment le manque d’émotion peut affecter notre santé » ; ces patients ont par ailleurs une « vie fantasmatique particulièrement pauvre ».
Couverture du livre d’Olivier Luminet
Ce manque d’imagination les poussent, pour les cas les plus sévères, à avoir « un mode de pensée qualifié d’opératoire », c’est-à-dire tourné vers des aspects concrets ou matériel de l’existence au détriment des aspects affectifs, surtout lorsqu’ils sont face à de situations conflictuelles ou traumatiques. Une coupure se formerait alors entre l’activité physiologique réelle et le ressenti subjectif qui devrait correspondre. Cette dissociation provoquerait une expérience émotionnelle incohérente qui ne ferait qu’augmenter les signaux somatiques, un peu comme si le corps « augmentait le volume », jusqu’à ce que l’émotion soit « enfin entendue ».
Mais alors, comment aider psychologiquement une personne qui ne peut pas communiquer ses émotions au thérapeute ?
Curieusement, il semblerait qu’en général, la présence d’un trait alexithymique modéré ne rende pas plus difficile l’engagement du thérapeute. Néanmoins, lorsque la forme est très prononcée, elle peut ralentir en effet le processus de prise en charge.
C’est pourquoi, face à ces difficultés, les patients sont de plus en plus dirigés vers des thérapies laissant la place à d’autres état de conscience, comme l’hypnose ou privilégiant des émotions positives, ou des aspects ludiques ou relaxant, avant qu’ils soient confrontés à l’exploration d’émotions douloureuses non mentalisée.
Samuel Agutter (rédaction btlv.fr)
