Depuis sa découverte en 1901 au large de l’île grecque d’Anticythère, le mystérieux mécanisme éponyme fascine archéologues et scientifiques. Présenté comme l’ancêtre des ordinateurs modernes, cet objet complexe vieux de 2 000 ans a longtemps été considéré comme un instrument astronomique sophistiqué. Mais une nouvelle étude argentine relance le débat : et s’il ne s’agissait, en fin de compte, que d’un jouet défectueux ?
Ce chef-d’œuvre d’ingénierie, aujourd’hui fragmenté et corrodé par des siècles passés sous l’eau, est composé d’une manivelle, de plus de trente engrenages imbriqués, et de cadrans affichant des informations aussi variées que les phases lunaires, les positions des planètes ou les dates d’éclipses. Un bijou technologique qui, à défaut d’avoir été compris pendant des décennies, incarne à lui seul la puissance intellectuelle de la Grèce antique.
UNE UTILISATION DIFFERENTE DE CE QUE L’ON PENSAIT ?
Si les rayons X ont révélé sa mécanique interne, les interrogations n’ont jamais cessé quant à sa véritable fonction. Était-ce un outil de calcul astronomique pour astrologues de cour ? Un calendrier de poche pour un riche mécène ? Ou simplement un modèle éducatif ? La précision de l’appareil serait la clé pour départager ces hypothèses.
C’est sur cette piste qu’un groupe de chercheurs argentins s’est penché. Leur étude, publiée sur la plateforme scientifique arXiv, propose une simulation inédite du fonctionnement du mécanisme, intégrant pour la première fois les irrégularités de fabrication et les dents triangulaires caractéristiques de ses engrenages.
Le verdict est surprenant : selon cette modélisation, le mécanisme ne pouvait être actionné que pour environ quatre mois avant de se bloquer ou de désengager ses rouages. Une panne inexorable qui nécessitait une réinitialisation complète à l’image des imprimantes modernes, souvent aussi capricieuses que sophistiquées.
Ce défaut remet en cause l’usage scientifique du dispositif. S’agissait-il d’un objet purement démonstratif, incapable de fournir des prévisions fiables au-delà d’un trimestre ? Ou d’un prototype jamais finalisé ? Un détail d’autant plus troublant que les échelles de date couvrent une année entière, suggérant une ambition bien plus vaste.
Les auteurs de l’étude refusent pourtant de conclure à une simple curiosité de salon. Le niveau de complexité du mécanisme et l’expertise nécessaire à sa fabrication plaident contre l’idée d’un jouet de pacotille. Pourquoi tant d’efforts pour une machine vouée à l’échec ?
Ils avancent une hypothèse plus optimiste : et si les mesures modernes étaient biaisées ? Corrosion, altérations et limitations des scanners pourraient fausser notre compréhension de l’objet. Il est possible que l’appareil ait été beaucoup plus précis qu’il n’y paraît, et conçu pour éviter justement les blocages qu’on lui reproche aujourd’hui.
Plus de cent vingt ans après sa découverte, le mécanisme d’Antikythera conserve son aura de mystère. Sa mécanique nous échappe encore, malgré la puissance des outils modernes. Mais s’il a survécu à l’oubli, c’est peut-être justement parce qu’il pose plus de questions qu’il ne donne de réponses.
Valentin Rican (rédaction btlv source Live Science)