Ayahuasca : un remède pour les chamans, une drogue pour le Mexique

16 avril 2024 – Nous en avons souvent parlé sur btlv, l’Ayahuasca est une plante que beaucoup d’occidentaux prennent losrqu’ils sont en Colombie, au Pérou, ou au Brésil.

Plante aux propriétés hallucinogènes, le guérisseur colombien Claudino Pérez, canines de jaguar autour du cou et plumes sur la tête, la sert à ses disciples dans une concoction brunâtre et épaisse. Malgré ses deux années passées en prison au Mexique pour avoir transporté cette boisson ancestrale des peuples indigènes d’Amazonie, il a repris ses cérémonies en périphérie rurale de Bogota.

L’AYAHUASCA UNE PLANTE AUX VERTUES MEDICINALES…

À la fois curieux et pleins d’appréhension, Colombiens et étrangers désireux de soulager maux du corps et de l’esprit sont réunis pour un rituel de purification dans une ferme nichée dans la montagne. Décoction préparée à partir d’une liane par les peuples du bassin occidental de l’Amazonie, l’ayahuasca est vue, selon les versions, comme un remède miracle, un outil d’exploration intérieure et de développement personnel, un hallucinogène récréatif ou à l’inverse un dangereux psychotrope. C’est ce que nous disait l’auteur Sebastien Cazaudore lors de sa venue sur btlv.

Ayahuasca

UNE DROGUE AU MEXIQUE

En mars 2022, le “taïta” (ou chaman, titre donné à l’autorité du peuple Uitoto) Pérez a été interpellé à l’aéroport de Mexico, avec dans ses bagages des bouteilles d’ayahuasca. Si son effet principal est d’abord celui d’un purgatif, provoquant vomissements et diarrhées, elle amène également des visions. C’est souvent pour celles-ci que les occidentaux viennent la tester et depuis quelques années, dans les milieux ésotérico-new-age, il est de bon ton de dire que l’on pris de l’Ayahuasca.

Pourtant, la plante est considérée comme une drogue dure et peut entrainer des complications si la prise n’est pas encadrée. La boisson qui contient de la diméthyltryptamine (DMT), un composé psychoactif naturel, est interdite par la loi mexicaine car, “susceptible” d’être “mal utilisée”.

“Ici, tu n’es qu’un criminel de plus (…) considéré comme un vulgaire trafiquant de drogue”, se plaint à l’AFP le guérisseur de 63 ans.

Selon l’avocat de M. Pérez, les procureurs mexicains avaient requis contre lui une peine de 25 ans pour “introduction de stupéfiants”, mais un juge a finalement prononcé un non-lieu après deux années de détention préventive. Pour convaincre les juges et les autorités mexicaines de l’usage millénaire de la boisson, le gouvernement colombien avait envoyé des universitaires au Mexique.

Son cas a ouvert un débat entre la préservation des traditions indigènes et la lutte contre le narcotrafic. Huit autres personnes, dont la moitié appartiennent à des peuples indigènes de Colombie, du Pérou et du Brésil, ont été arrêtées au Mexique pour les mêmes raisons, puis relâchées.

L’AYAHUASCA INTERDITE UN PEU PARTOUT

Selon la loi mexicaine, le DMT constitue “un problème de santé publique particulièrement grave”. Ce psychotrope est aussi interdit aux États-Unis, au Canada et dans certains pays européens. M. Pérez rejette cette prohibition, injustifiée selon lui. Comme guérisseur, il parcourt le monde avec l’ayahuasca recherchée, dit-il, pour traiter les douleurs liées au traitement de maladies graves ou pour se débarrasser d’addictions.

Dans les villages indigènes de Colombie, 84% des plus de 12 ans ont, selon les chiffres officiels, usé de l’ayahuasca comme médecine traditionnelle. Julian Quintero, directeur de l’ONG Accion técnica social, spécialisée dans la lutte contre la drogue, estime qu’“il existe une zone grise que les pays d’Amérique latine devraient réglementer”.

Selon lui, certaines de ces boissons “sortent des contextes rituels indigènes” étant donné la “tendance mondiale” au new age, au développement personnel et autres quêtes spirituelles. D’un point de vue juridique, il est nécessaire de “préciser qui a le pouvoir” d’utiliser cette boisson de manière responsable et de s’assurer qu’elle “n’est pas détournée à des fins purement récréatives et commerciales”, ajoute-t-il.

UN CHAMANISME ÉLEVÉ AU RANG DE PATRIMOINE CULTUREL

Le Pérou a reconnu en 2008 l’ayahuasca en tant que patrimoine immatériel. Dans le pays, et dans une moindre mesure en Equateur, tout un juteux tourisme psychédélique s’est développé autour de cette plante.

En septembre 2023, Lauro Hinostroza, chaman du peuple péruvien Shipibo-Konibo, débarque à Mexico pour présider le Congrès international de la médecine des peuples indigènes, mais connaît la même mésaventure que son collègue Pérez. Dans une boutique de médecine ancestrale de la capitale mexicaine, un bonnet de cérémonie sur la tête, Hinostroza travaille tout en collectant l’argent nécessaire pour retourner au Pérou après sa sortie de prison en mars. À 71 ans, il ne comprend toujours pas pourquoi il s’est retrouvé derrière les barreaux.

« Dans la guérison, l’outil de travail est la plante, l’ayahuasca », explique-t-il. « Notre crime est d’être indigène » peste-t-il.

Ni le bureau du procureur, ni l’administration de l’aéroport international de Mexico n’ont répondu aux sollicitations de l’AFP sur ces arrestations. Parmi les rares documents officiels publics les concernant, un avis de la Commission des affaires indigènes du Sénat mexicain regrette que “des plantes ancestrales aux propriétés psychoactives ont été assimilées à des stupéfiants comme l’héroïne et la cocaïne”. Pour ne rien louper de l’actualité du mystère, inscrivez-vous à la Newsletter btlv.

Bob Bellanca (rédaction btlv via AFP)

Accédez à des émissions exclusives avec nos offres sans engagement
Découvrez nos offres

Partagez et suivez nous sur nos réseaux réseaux !

Facebook Twitter YouTube Instagram TikTok Twitch
La connaissance ne s'arrête pas... J'explore tout l'univers de BTLV !
Je rejoins BTLV

Partagez et suivez nous sur nos réseaux réseaux !

Facebook Twitter YouTube Instagram TikTok Twitch

Actus susceptibles de vous intéresser

Aller en haut